Absolument tout ce qu’il y faut savoir sur ces nouveaux micros à membrane triangulaire dont tout le monde parle.
Depuis quelques années, est arrivée dans le paysage sonore une nouvelle marque suédoise au nom étrange, à la réputation croissante et au signe distinctif particulier : une membrane triangulaire !
Les micros Ehrlund se taillent une place à part dans le marché du micro, mais s'agit-il d'une révolution de la prise de son et du mixage, un outil supplémentaire ou juste une hype éphémère ?
Un peu d’histoire… mais pas trop !
Göran Ehrlund, né le 22 juin 1945 à Eskilstuna, une petite bourgade suédoise située à une centaine de kilomètres de Stockholm. Dès l’âge de douze ans, il se passionne pour le son, il fabrique alors son premier micro dynamique.
Dans les années 70, il monte son studio et travaille au développement d’un nouveau procédé acoustique pour permettre la détection des fuites dans les tuyaux à hautes pressions. Un jour, alors qu’il effectuait des recherches sur le moyen de perfectionner les microphones de mesures pour obtenir un signal linéaire sans altération, il découpe une membrane et après plusieurs essais, il retient la forme triangulaire.
Durant les années 80, Il met au point le capteur EAP pour instrument acoustique, toujours présent au catalogue. Il les fabrique lui même et les vend par correspondance.
Face au succès de ce dernier, il adapte cette capsule triangulaire pour en faire un micro statique à large membrane. Il commence seul à développer ses premiers micros dans les années 90 et dépose un brevet pour sa membrane triangulaire. Il fabrique 15 exemplaires de son premier micro. L'objectif de Göran est alors de créer un micro "prêt à l'emploi", simple à utiliser.
Le EHR-1, micro à lampe dévellopé avec JJLabs et fait par VML AB (?)
En 2007, Göran fait la rencontre de Sven-Ake, fondateur et ingénieur chez Research Electronic, une jeune société suédoise en recherche et développement spécialisée dans les technologies militaires. Une électronique de pré-amplification de haute qualité est installé dans le micro. Il développe ainsi un nouveau modèle proposant une réponse en fréquences exceptionnelles allant de 7 Hz à 87 kHz, avec du surcroit un niveau de bruit extrêmement faible. Les micros Ehrlund sont équipés de composants électroniques de qualité militaire et construit dans un alliage en aluminium, habituellement destiné à l’aéronautique.
En 2012, après un dépôt de brevet au niveau mondial, la marque Ehrlund est officiellement lancé. Les micros sont fabriqués et assemblés à la main par Research Electronic dans la ville de Siljansnäs en Suède.
La membrane magique : Frime ou réalité ?
Ehrlund change la donne avec sa nouvelle capsule, mais quand est-il réellement ?
Les premières membranes statiques inventées par Western Electronic puis perfectionnées par Neumann sont rondes. Avec le CMV3A, U47, le M49, le U67 et le U87, Neumann a fait de la membrane ronde une référence... Et une évidence.
En 1982, Milab (PML/Pearl) tente une innovation hors des sentiers battus avec le DC-63 et sa capsule rectangulaire. Le résultat est un son beaucoup plus naturel et sans coloration, qui séduit les connaisseurs, mais la marque n’impose pas sa technologie et reste une curiosité.
La question est donc : "pourquoi donc changer quelque chose qui semble marcher correctement ?"
En effet, avec une membrane ronde, on entend l'instrument enregistré, on le mixe grâce aux techniques et matériels développés pour palier les défauts de prises de son (pas assez d’aiguë, gestion des graves, manque de définition, résonances désagréables, etc). Malgré ces imperfections, on arrive à produire de super albums... Donc tout va bien.
Selon moi, le problème est que l'on accepte l'état de la technologie de la captation du son comme tel. On a accepté que c'est comme cela qu'un micro sonne, le son ressemble à ça, on sait le corriger et l'améliorer. Alors, Les fabricants de micros continuent à s’inspirer de Neumann, d’AKG et de Schoeps. Chacun y va de sa variante, mais les capsules restent rondes et le monde du son n'évolue pas réellement.
Pourquoi se satisfaire de ce que l'on a alors que l’on pourrait avoir beaucoup plus ? C’est sans doute ce que s’est dit Goran Ehrlund juste avant de révolutionner le monde du microphone !
Alors.
Une membrane triangulaire est très intéressante, car il y a moins de résonance et de modes propres. La membrane s'arrête de vibrer plus rapidement, ainsi le son n'est ni altéré, ni coloré.
Explications :
Ce qui est bon pour une percussion (qui émet un son) ne l'est pas pour un micro (qui reçoit le son).
Les cymbales, les gongs ainsi que les tambours (grosse caisse, caisse, claire, djembé, congas et autres bongos) sont tous ronds ! Et, je vous le donne en mille, ils sont ronds parce que ça sonne mieux !
Au-delà des raisons de fabrications historiquement simples (un tronc d’arbre, une peau animale et paf on fait un concert!), les tambours sont ronds, car les parois sont à distance et angle égal. Ainsi l'onde sonore rebondit simultanément et uniformément à l'intérieur, ce qui génère un son puissant, harmonieux, clair. Cela permet également d’aller chercher des sons plus grave.
A contrario, à l’intérieur d’un tambour qui n'est pas rond, les formes d’ondes sont désorganisées, se percutent et s’annulent plus rapidement. En un mot : cela raisonne moins.
Le tambour est l’instrument le plus vieux du monde. Parmi toutes les variantes, les époques et cultures, on décompte seulement trois exceptions "non-rondes" qui "sonnent" quand même : le cajon (Peru), le Gome (Ghana) et le pandero jarocho (Vera Cruz, Mexique).
Mention pas honorable pour les tentatives de batteries carrées et triangulaires qui sont la preuve en action que les percussions non rondes ne sonnent pas.
Donc :
La théorie avancée par Ehrlund est : ce qui est optimal pour un instrument émetteur de son n’est pas efficient pour un micro qui capte un son.
En effet, l’objectif de la membrane d’un micro n’est pas qu’elle s’auto-amplifie et vibre plus que nécessaire. Elle doit uniquement vibrer par le son qu'elle capte, pas plus, pas moins, sans altération ni influence auto-générée.
Les capsules rondes génèrent des modes et des résonances qui rendent le son moins clair, avec des problèmes dans la réponse en fréquence, notamment des graves et des aiguës imprécis. De plus, elle réagit moins bien au transcients.
Néanmoins, la forme ronde permet de mieux accorder et distribuer la tension de la membrane. On observe sur le brevet de la capsule Ehrlund, qu'en réalité la membrane est ronde, tendue sur un support rond, mais avec une contreplaque et un cerclage qui délimitent une zone de résonance de forme triangulaire. La matière de la membrane est une autre innovation brevetée de Goran. Elle est particulièrement fine et résistante. De plus, la forme triangulaire permet une tension de la membrane supérieure aux capsules traditionnelles. ce qui accroit et participe à se son si particulier.
Dans ces vidéos, Sven Åke Eriksson (le co-fondateur de la marque Ehrlund) nous explique en images le fonctionnement et les défauts des capsules rondes, et pourquoi les capsules triangulaires fonctionnent mieux.
Allié à la technologie de pré-amplification de Sven, on obtient un micro avec une réponse en fréquence incroyable, linéaire de 7Hz à 87kHz ! Ce qui est complétement démentiel ! Bien sûr, l'oreille humaine ne peut pas entendre jusque-là mais cela influence néanmoins notre écoute et notre expérience.
Les micros équipés de cette capsule présentent un léger shelve très naturel dans le haut (sans aucune agressivité) et dans le bas (avec un grave très précis).
Les caractéristiques de la capsule permettent également une super restitution des transcient avec un côté "crispy" très jouissif, on est dans le domaine de l’ASMR !
Ce qui saute en premier aux oreilles, c'est la réalité du son capté : un son détaillé, naturel, sans coloration, avec un bas généreux et chaleureux, sans être baveux, avec des aiguës particulièrement bien représentés et naturels, avec beaucoup d’air.
Le son général est d'un naturel renversant, bluffant, qui, on le verra, change la donne et fait véritablement évoluer le monde de la captation sonore.
La capsule triangulaire est une véritable innovation avec une plus-value considérable qui a une incidence déterminante sur le son.
Les différents modèles
Attention ! Les micros Ehrlund, en plus d’avoir une orthographe qui fait trembler ma dyslexie, vont à l'encontre de la norme des micros à chiffre (U47, SM57, C414...) et utilisent des références à simple lettre : M, H, E, D. Ce qui rend leur identification et leur mémorisation moins évidente.
Les micros Ehrlund se répartissent en trois grandes familles : les micros de "distance", de "proximité" et de voix eux-mêmes séparé dans les catégories "studio" et "live".
| | Studio | Live |
---|---|---|---|
Micros | EHR-M | ✓ | |
instruments, | EHR-M1 | | ✓ |
voix et distance | EHR-T | ✓ | |
Micros instruments | EHR-E | ✓ | |
de proximité | EHR-D | | ✓ |
Micros | Nano | ✓ | |
voix | EHR-H | ✓ |
Bien sûr, les micros de live marchent très bien en studio, et vice et versa.
EHR-M
M comme le « Main » (principal). Le premier micro Ehrlund, sorti en 2012, est le porte-étendard de la marque. Micro le plus polyvalent de la gamme, destiné à une utilisation en studio (voix, voix-off, instrument acoustique).
Alors attention, ce micro est à tomber par terre ! Toutes les personnes qui l'ont entendu n'en sont pas revenues ! Même comparé à des Dpa et des Neumann !
Le micro brille en paire ou il prend toute sa dimension et resitue parfaitement la scène sonore. Je l'ai notamment utilisé pour des captations live d'ensemble acoustique, pour des overhead de batterie, des pianos, des rooms... Un régal !
Il excelle particulièrement dans les prises à distance, trop proche, il sonnera trop... Trop tout. C'est un micro qui a besoin d'air et d'espace. Il mettra par ailleurs en valeur les beaux espaces acoustiques. Je vous partagerai lors d'un prochain billet des extraits et comparatif.
C'est un micro exceptionnel et je l'utilise à chacune de mes sessions.
Les points clés de l'EHR-M :
- La réponse en fréquence de 7Hz à 87kHz est bluffante !
- Annoncé comme cardioïde, le lob de directivité montre une forme qui tend très légèrement vers l'hypo-cardioide en dessous de 500 Hz et vers l’hyper-cardioïde au dessus de 16kHz. La réponse hors axe est naturelle et constante.
- L’Effet proximité est faible, mais il est recommandé de faire les prises de son à environ 30-50 cm de distance. En effet, trop près, le micro capte trop de fréquences mediums et aiguës désagréables. À 40 cm, on à une prise de son étonnamment riche et naturel.
- Une sensibilité de 23mV/Pa : on entend les mouches voler !
Pour rappel, les rubans sont entre 1 et 3 mV/PA (l'AEA R84 est a 2,4mV/PA), les dynamiques entre 1 et 4 mV/PA (le Shure SM57 est à 1,6mV/PA) et les statiques vont de 8 à 32 mV/PA. Le U87Ai est à 28mV/PA avec le DPA 4006 qui frôle les 40mV/PA. Le signal de sortie est généreux et nécessite généralement peu de gain.
- Il a un niveau de sortie assez élevée, ce qui permet d'enregistrer à un niveau suffisant sans pousser les préampli et rajouter de la distorsion. L'objectif est une fois de plus d'avoir le son le plus fidèle et inaltéré possible.
- Un niveau de bruit incroyablement bas de 7dBA : pas de risque de ronflette si votre préampli est un peu bas ! Le U87Ai en a 12, le Dpa 4006, 15.
- Il encaisse 135 dB SPL, ce qui s'avère suffisant pour le coller au cul du batteur le plus bourrin que vous connaissez ! Pour comparaison, Le U87 encaisse 127dB SPL, le 4006, 147 dB SPL et le Shure beta 52 (celui pour le kick) 174 dB SPL !
- Il n'a pas de transformateur de sortie donc un son super clean, mais avec moins de distorsion harmonique : on n'est pas là pour colorer le son mais pour avoir le son le plus naturel et transparent possible, c'est donc parfaitement cohérent.
- Pas de problème d'impédance ! Grâce à l'énorme travail effectué sur l'éléctronique du micro, la réponse en fréquence n'est pas altérée par l'ampérage du préampli utilisé.
- Il ne requiert que 1,6mA pour son alimentation de fantôme. Ce qui est apparemment super bas et super pratique, mais en toute honnêteté, je ne sais pas pourquoi. Cela permettrait peut-être aux petites cartes son alimentées par USB et qui ont un 48 volt un peu léger de l'alimenter vail que vail ? Cool !
- La marque avance que grâce à leur technologie sur la phase, tout les modèles sont compatibles pour un appairage ! Il y a moins de 2% de différences entre les micros ! Ce qui est fou et vous permet d'acheter votre paire séparément ou en deux temps. Budget d'ingénieur du son, tu connais...
Ma première expérience avec des Ehrlund fut lors de le stage de formation "devenir ingé son" sur la prise de son stéréo au Studio de Meudon. Ehrlund France nous avait prêté une paire pour l'occasion : deux EHR-M de génération différente et pourtant la paire était pour ainsi dire parfaite !
- Il a un corps en aluminium sablé de qualité militaire issue de l'industrie aéronautique. La grille est assez large qui permet d'éviter les réflexions autour de la capsule
- Le micro est livré dans une jolie boite en bois, d'abord avec un support, puis désormais rembourré de mousse. Pas le plus pratique pour mon utilisation, j'ai opté pour une valise de sécurité pour transporter ma paire. Certains modèles étaient livrés avec des petites bonnettes pour les protéger de la poussière.
- Là où le micro pêche, c'est par l'absence de suspension. Même si cela se fait rarement remarquer, une suspension de qualité aurait été la bienvenue. On peut trouver l’existence de deux versions assez rudimentaires qui semblent hasardeuses et bancales. Le pas de vis est apparemment compatible au système de fixation des TLM 103, 127, 193, nommés EA2 et EA4, mais reste essayer si ces systèmes (onéreux) s'adapte efficacement à la forme du micro.
- Il existe un petit anti pop tout mignon, vendu au prix prohibitif de 120 euros.
Il existe quelques variantes de l'EHR-M :
- La toute première version, fabriqué par Göran Ehrlund dans son garage. Il en a fabriqué environ 15 exemplaires. le son est un peu différent moins "Hautes définitions", un peu plus rugueux. il est beaucoup plus lourd, une grille plus grosse et plus large et arbord le premier logo.
- Tout d'abord Le EHR-M a connu de nombreuses évolutions en 10 ans : un nouveau corps, la taille de la grille, de la capsule (2 vis puis 3), le support de capsule, la gravure/inscription avec le numéro de série, le système de fixation (taille du pas de vis), etc.
- EHR-B : version Broadcast destiné aux radios, la seule différence est un coup bas à 80Hz.
- ISOMIC™, une version vendue par Isovox (fabricant de caisson d'isolation pour voix-off), qui semble être à mi-chemin entre les EHR-M et EHR-E, dans un nouveau boitier avec un support adapté (CloudMount™) au caisson Isovx, doté d'un double anti-pop (ISOPOP™).